Jurisprudence : Décision Tribunal administratif de Grenoble

Actualité Juridique 15/11/2022 12:59 717
Jurisprudence :  Décision Tribunal administratif de Grenoble

Tribunal administratif de Grenoble - 5ème Chambre - 12 juillet 2022 - n° 2200686

TEXTE INTÉGRAL

Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 février 2022 et le 3 juin 2022, Mme D C, représentée par Me Lougraida-Dumas, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 25 janvier 2022 du maire de Notre-Dame-de-Bellecombe refusant l'octroi d'une concession funéraire au sein du cimetière communal ;

2°) d'enjoindre au maire de lui délivrer une concession funéraire dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du maire de Notre-Dame-de-Bellecombe une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que le maire de la commune a refusé l'octroi de la concession sollicitée par Mme C au motif que son époux ne remplissait pas les conditions de l'article L. 2223-3 du code général des collectivités territoriales ;
- elle méconnaît l'article L. 2223-3 du code général des collectivités territoriales et le principe d'égalité devant les services publics dès lors que Mme C remplit les conditions tendant au droit à l'inhumation puisqu'elle est domiciliée à Notre-Dame-de-Bellecombe et ce, nonobstant la circonstance qu'elle n'y réside pas les douze mois de l'année ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le maire n'a pas fondé son refus sur la circonstance qu'il n'y avait plus de place dans le cimetière communal ;
- elle est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors que son époux remplissait les conditions de l'article L. 2223-3 du code général des collectivités territoriales puisqu'il était domicilié sur la commune, et ce, nonobstant le fait qu'il soit décédé en Tunisie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe, représentée par Me Duraz, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire si le tribunal devait faire droit à la demande d'inhumation, dire que ce droit à inhumation doit s'entendre comme le droit à être inhumer dans le terrain commun et à ce qu'il soit mise à la charge de la requérante la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable car il s'agissait d'une demande d'inhumation au cimetière communal et non l'obtention d'une concession funéraire ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- au besoin, une substitution de motifs peut être opérée tirée de ce que la concession funéraire pouvait être refusée compte tenu du manque de places disponibles et de l'absence de lien de la requérante avec la commune.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B,
- les conclusions de Mme A.
- les observations de Me Lougraida-Dumas, représentant Mme C et les observations de Me Duraz, représentant la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe.

Considérant ce qui suit :
1. M. C est décédé au cours d'une mission d'enseignement à l'étranger le 14 décembre 2021. Son épouse a demandé officiellement le 21 janvier 2022 une concession funéraire dans le cimetière communal de Notre-Dame-de-Bellecombe en vue de procéder à l'inhumation de son défunt mari. Par une décision du 25 janvier 2022, le maire de Notre-Dame-de-Bellecombe a opposé un refus à cette demande.

Sur la nature de la demande :

2. Il ressort du formulaire de demande du 21 janvier 2022 que Mme C a sollicité une concession funéraire au sein du cimetière communal de Notre-Dame-de-Bellecombe d'une superficie de 2,40 m2 ou 4,80 m2 en fonction de la disponibilité. Dans son courrier d'accompagnement du même jour, Mme C indique au maire : " Je reviens vers vous afin de formaliser officiellement ma demande tendant à l'octroi d'une concession funéraire () ". Par un courrier du 25 janvier 2022 dont l'objet est " concession funéraire ", le maire a expressément indiqué : " J'accuse réception de votre demande de concession funéraire ". Dès lors, la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe ne saurait sérieusement soutenir que la demande de Mme C devait s'analyser uniquement comme une demande d'inhumation de son défunt époux.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 2223-13 du code général des collectivités locales : " Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux ". Aux termes de l'article L. 2223-3 du même code : " La sépulture dans un cimetière d'une commune est due : / 1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ; / 2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ; / 3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ; 4° Aux Français établis hors de France n'ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits ou remplissent les conditions pour être inscrits sur la liste électorale de celle-ci en application des articles L. 12 et L. 14 du code électoral ".

4. Un maire, qui est chargé de la bonne gestion du cimetière, peut, lorsqu'il se prononce sur une demande de concession funéraire, prendre en considération un ensemble de critères, parmi lesquels figurent notamment les emplacements disponibles, la superficie de la concession demandée, les liens du demandeur avec la commune ou encore son absence actuelle de descendance.

5. Dans sa décision contestée du 25 janvier 2022, le maire de Notre-Dame-de-Bellecombe a rappelé les dispositions des articles L. 2223-3 et L. 2223-13 du code général des collectivités locales et a motivé son refus sur la circonstance que M. C est décédé en Tunisie, était domicilié à Chaussan, n'avait pas droit à une sépulture dans une concession familiale du cimetière et n'était pas inscrit au registre des Français établis hors de France. Ainsi, le maire de Notre-Dame-de-Bellecombe a commis une erreur de droit dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur la demande de concession funéraire du 21 janvier 2022 déposée au nom de Mme C.

6. La commune de Notre-Dame-de-Bellecombe soutient que Mme C ne réside pas sur le territoire communal ce qui fait obstacle à l'attribution d'une concession funéraire dans le cimetière de la commune. Toutefois, Mme C relève des seules dispositions de l'article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales et il convient que le maire vérifie les autres liens de la demanderesse avec la commune. Le maire ne pouvait ainsi légalement se fonder sur la seule circonstance que M. C ne résidait pas sur le territoire communal ce qui faisait obstacle à toute attribution d'une concession funéraire dans le cimetière communal.

7. Mme C est propriétaire d'un appartement dans cette commune depuis 1985, il n'est pas contesté qu'elle y a marié deux de ses enfants, elle produit pas moins de 14 attestations indiquant qu'elle réside plusieurs mois par an dans son appartement, elle verse également sa carte d'électeur, son relevé de consommation électrique, son changement d'adresse auprès de la direction générale des finances publiques. La circonstance que son appartement soit détenue par une SCI composée de son défunt mari et de ses enfants et que cette société soit domiciliée dans un autre département est sans incidence.
Ainsi, et alors même que l'intéressée est également locataire d'un appartement à Lyon, Mme C a incontestablement des liens étroits avec cette commune justifiant l'octroi d'une concession funéraire.

8. Si la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe demande une substitution de motif, il ne résulte pas du plan du cimetière produit que le motif du manque de place dans le cimetière communal soit établi.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la décision du maire de la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe du 25 janvier 2022 portant refus d'octroi d'une concession funéraire à Mme C doit être annulée.

Sur la demande d'injonction :

10. Le présent jugement implique que le maire de la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe octroie une concession funéraire à Mme C. Il y a lieu de l'y enjoindre dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Sur les frais de justice :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Notre-Damede- Bellecombe une somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par Mme C et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 25 janvier 2022 portant refus d'octroi d'une concession funéraire à Mme C est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe d'octroyer une concession funéraire à Mme C dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Article 3 : La commune de Notre-Dame-de-Bellecombe versera à Mme C une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Notre-Dame-de-Bellecombe présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme D C et à la commune de Notre-Dame-de- Bellecombe.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Sogno, président,

Mme Barriol, première conseillère.

Mme André, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

La rapporteure,
E. B

Le président,
C. Sogno

Le greffier,
P. Muller

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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